Wim Vermeir
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Un semestre exceptionnel


L'épidémie de COVID-19 fait de 2020 une année historique. Les mouvements boursiers observés au cours du premier semestre étaient sans précédent. La forte correction de 40 % enregistrée au premier trimestre a cédé la place à une reprise étonnamment rapide. Au final, sur l'ensemble du semestre, les marchés boursiers ont connu une baisse relativement limitée (de - 5 % aux États-Unis à - 13 % en Europe, voir graphique 1). Après avoir explosé en mars, les rendements des obligations d'entreprises ont également retrouvé des niveaux relativement normaux. ​​Au final, il s'agit d'une correction plutôt légère, certainement compte tenu des niveaux d'évaluation assez élevés en vigueur en début d'année. 
Actuellement, il semble que pour les marchés financiers, la crise soit presque terminée.

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Graphique 1 : évolution des marchés boursiers en 2020 (source AG)

 

Pourtant, la bataille contre le COVID-19 n'est pas encore gagnée. Le nombre de victimes continue d'augmenter, surtout aux États-Unis et en Amérique du Sud. En Europe et en Asie, où le virus semble avoir cédé du terrain, des foyers ressurgissent. L'impact des mesures de quarantaine sur la croissance économique est sans précédent. Les chiffres du chômage sont historiquement élevés, le​s ventes au détail s'effondrent et le nombre de faillites augmente de façon spectaculaire. Pour la zone euro, une croissance négative de -10 % est attendue en 2020, avec une reprise partielle seulement l'année prochaine.​ Ce scénario est nettement plus pessimiste que ce que les économistes avaient prévu au début de la crise.

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Pourquoi cet optimisme sur les marchés financiers alors que l'économie est au plus bas ?

 Cela semble étrange à première vue, mais nous pouvons y trouver quelques explications :

  1. Tout d'abord, nous connaissons déjà mieux les impacts du COVID-19 qu'en mars. Nous savons qu'en combinant des mesures de quarantaine, d'hygiène et de traçage, il est possible de maîtriser le nombre d'infections et d'éviter un effondrement du système de santé. Depuis l'apparition de la crise, la plupart des entreprises ont montré qu'elles pouvaient poursuivre leurs activités grâce au télétravail et au commerce en ligne. Les entreprises contraintes de fermer leurs portes ont quant à elles pu faire appel à des crédits-ponts et au chômage temporaire. Les ventes paniques de la mi-mars se sont donc avérées exagérées (comme nous l'avions pressenti dans notre blog du 17 mars).
  2. Ensuite, les marchés financiers ne regardent pas le présent, ils sont tournés vers l'avenir. Même si le deuxième trimestre a atteint un creux historique en termes économiques, nous voyons déjà les premiers signes de reprise. Aux États-Unis, le marché du travail s'améliore et le pire semble passé. En Europe, la confiance des entrepreneurs progresse. Les marchés financiers supposent logiquement que l'économie reprendra à mesure que le déconfinement se poursuivra.
  3. La composition sectorielle des marchés d'actions est également différente de celle de l'économie réelle. Les secteurs fortement touchés comme l'horeca, le tourisme, la culture et le sport peu présents sur les places boursières. Les secteurs qui y pèsent lourdement (secteur pharmaceutique, technologies ou télécommunications, par exemple) ont beaucoup moins souffert de la crise.
  4. L'intervention des banques centrales reste toutefois le principal game-changer. Par leurs achats massifs d'obligations à l'échelle mondiale, elles maintiennent les taux d'intérêt à un niveau très bas et injectent des liquidités dans le système financier. Les rendements des obligations d'État sont donc négatifs ou proches de zéro. Les investisseurs en quête de rendement sont prêts à prendre davantage de risques et à acheter des obligations d'entreprises ou des actions. Les banques centrales ont par ailleurs clairement affirmé qu'il ne s'agit pas d'une mesure temporaire et qu'elles poursuivront leur politique dans un avenir proche.
  5. Les espoirs de vaccin ou de médicament constituent un dernier facteur positif. Il est difficile de prévoir si et quand un vaccin sera développé, mais le fait est que des budgets de recherche sans précédent sont libérés et que des chercheurs de tout premier plan sont unanimement positifs quant aux chances de succès.

 

Pour autant, les facteurs de risque n'ont pas disparu.

1. N'oublions pas que le coronavirus (SARS-Cov-2) est un virus récent et que la science n'a pas encore percé tous ses secrets. Une nouvelle épidémie majeure de COVID-19, la fameuse deuxième vague, ou pire - une mutation qui rendrait le virus encore plus agressif - serait bien entendu néfaste pour les marchés financiers.

2. Mais même si l'évolution du COVID-19 reste sous contrôle, il règne encore une grande incertitude quant à la confirmation de la reprise économique attendue. La plupart des économistes partent désormais de l'hypothèse d'une nouvelle évolution en forme de V, mais plus proche du √ d'une racine carrée (voir graphique 2). Dans ce scénario, à la fin du confinement, l'économie rebondirait rapidement, mais ne retrouverait que lentement les niveaux d'avant la crise. Pour le moment, le flou demeure quant à cette deuxième phase de la reprise. La question est de savoir si les consommateurs et les entreprises auront retrouvé suffisamment de confiance pour réduire leur épargne et faire à nouveau d'importants achats et investissements.

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Graphique 2 : reprise économique attendue en 2021 (source FMI)

 

3. À plus long terme, l'augmentation de la dette publique mérite toute notre attention. En soi, la hausse actuelle de la dette ne pose pas de réel problème tant qu'elle est le résultat de mesures de sauvetage ciblées et ponctuelles. Toutefois, il faudra désormais travailler avec un budget qui, d'une part, garantit croissance solide et cohésion sociale et, d'autre part, évite une nouvelle augmentation du taux d'endettement. ​​Il faut parvenir à un dosage équilibré d'investissements durables, d'économies intelligentes et de fiscalité équitable (note en marge qui sort du cadre habituel de ce blog : la formation d'un gouvernement fédéral constituerait déjà un premier pas dans la bonne direction).

 

En attendant, comment investir dans cet environnement incertain ?

1. Au vu des faibles taux d'intérêt actuels, les obligations souveraines ne nous paraissent pas intéressantes. Dans la plupart des cas, les rendements sont négatifs, surtout après correction en fonction de l'inflation. Nous sous-pondérons donc les obligations d'État dans nos portefeuilles de branche 23. Au sein de la branche 21, nous investissons dans des alternatives défensives telles que les prêts d'infrastructure, les crédits-logement, les prêts directs aux pouvoirs publics et le financement de logements sociaux (avec garantie publique), qui ne sont pas rachetées par les banques centrales et offrent donc un rendement plus élevé pour un risque faible.

2. Les obligations d'entreprises constituent encore et toujours une alternative intéressante. Le spread de crédit (c'est-à-dire la rémunération supplémentaire pour le risque d'entreprise) a certes diminué au deuxième trimestre, mais les rendements des obligations d'entreprises de qualité restent relativement intéressants (voir graphique 3), notamment parce que, là aussi, les banques centrales soutiennent les marchés. Nous continuons d'acheter, mais moins qu'au trimestre précédent.

 

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Graphique 3 : évolution du spread de crédit en 2020 (source AG)

 

3. Après la hausse rapide du dernier trimestre, les actions sont en tout cas susceptibles de subir une correction à court terme, si la reprise économique s'avère un peu plus lente que prévu. Ici, nous conservons notre stratégie expliquée dans notre blog du 7 avril. En cas de correction, nous rachetons des actions, mais nous avons parallèlement mis en place un programme d'achats systématiques étalés dans le temps. En effet, les valorisations des actions à long terme restent acceptables dans un contexte de reprise économique et de faibles taux. Nous privilégions l'Europe par rapport aux États-Unis, car la valorisation y a pris du retard tandis que la crise sanitaire est mieux maîtrisée. Dans notre sélection d'actions, nous opérons un glissement partiel de la qualité (les actions dites de croissance) vers une valorisation attrayante (les actions dites de valeur).

Enfin, nous souhaitons à tout le monde des vacances bien méritées après ces six mois intenses. Nous resterons nous-mêmes en Belgique et autant que possible dans notre propre bulle. Nous restons prudents, et pas seulement sur les marchés financiers.

 

Wim Vermeir, le 9 juillet 2020

Dans notre magazine