Dernière Modification :
09 janvier 2023
1. Croissance : l'économie plie mais ne rompt pas
Si le contexte est devenu plus compliqué et reste entouré de nombreuses incertitudes, le pire n'est pas forcément à venir. Certes, le ralentissement de l'activité économique mondiale se généralise sous l'effet de l'inflation et des prix énergétiques élevés qui pèsent sur le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises.
Cependant, tout comme lors de la crise sanitaire de 2020, les gouvernements européens ont pris des mesures. L'objectif étant cette fois d'assurer l'approvisionnement énergétique durant l'hiver et d'alléger la facture en bloquant, le cas échéant, les prix du gaz et de l'électricité. En parallèle, des efforts ont été entrepris pour réduire la consommation d'énergie. L'adaptabilité et la capacité de résilience des agents économiques face à des facteurs déstabilisateurs ont été constatés une fois de plus.
Alors que le pessimisme régnait au début de l'automne, on observe depuis peu une différence entre des données économiques réelles, qui témoignent d'économies toujours en croissance, et des indicateurs avancés annonciateurs d'une phase de contraction. Une détente des prix énergétiques, y compris celui du gaz, couplée à une inflation qui aurait atteint son apogée, procurent un soulagement et permettent à certains de ces indicateurs de ne plus se détériorer, voire de s'améliorer légèrement.
Nos prévisions sur l'économie
Le ralentissement économique va se poursuivre avec une récession technique relativement restreinte en Europe, résultant de la baisse du pouvoir d'achat des ménages due à la forte inflation. Compte tenu de la résilience de l'économie, le risque d'une récession brutale nous semble limité. Nous tablons sur une croissance du PIB entre 0 % et -0,25 % pour la zone euro et entre 0,50 % et 0,75 % pour les États-Unis.
2. Inflation : pic de la hausse des prix
Les banques centrales ont longtemps pensé que l'inflation ne serait que transitoire et qu'elle résultait surtout d'un choc sur l'offre contre lequel la politique monétaire n'est pas efficace. Cependant, à mesure que l'inflation progressait et qu'elle se propageait à l'ensemble de l'économie, les banques centrales ont réagi tardivement mais agressivement. Elles ont prévenu, surtout du côté de la Réserve fédérale américaine, qu'elles lutteraient contre l'inflation, même si cela doit faire mal et provoquer une récession. Il semble que cela soit la bonne stratégie, car renoncer à ce combat serait encore plus dommageable à terme.
À l'heure actuelle, les banques centrales ont déjà bien resserré la vis, plus encore aux États-Unis qu'en Europe, dans l'optique de freiner la demande globale. Si le relèvement des taux d'intérêt n'est pas terminé et pourrait encore surprendre à la hausse, les banques centrales s'apprêtent à ralentir la cadence car l'inflation qui, bien qu'encore trop élevée, est en train de culminer, voire de refluer. Cela est déjà le cas aux États-Unis où deux des trois moteurs de l'inflation, à savoir l'énergie et les biens, sont en train de bien ralentir.
Compte tenu de la globalisation de certains marchés mondiaux, l'inflation en Europe pourrait prochainement atteindre son point culminant grâce au recul des prix de l'énergie et des matières premières, à l'apaisement des tensions d'approvisionnement dans l'industrie et au ralentissement conjoncturel mondial.
Nos prévisions sur l'inflation
Après avoir atteint un pic déconcertant il n'y a pas si longtemps, l'inflation devrait connaître un retour progressif à la « normale », ce qui ne signifie pas que les défis disparaîtront. Les principales causes de la forte hausse des prix liées à la conjoncture et au contexte énergétique vont graduellement s'estomper. 2023 s'annonce donc comme l'année de la désinflation. La décrue attendue devrait ramener l'inflation entre 3 % et 4 % à la fin de l'année des deux côtés de l'Atlantique.
3. Politique monétaire : pic d'agressivité des banques centrales
Bien que les banques centrales soient indépendantes les unes par rapport aux autres, la trajectoire et les inflexions de la politique monétaire de la Fed exercent une certaine influence sur ses consœurs européennes. Ainsi, pour la Fed, le pic de taux d'intérêt n'est plus très éloigné et devrait avoisiner 5 %. Pour la BCE, dont les intentions sont plus floues, il pourrait y avoir un peu plus de chemin à faire vers 3 %.
Nos prévisions sur la politique monétaire
Le durcissement à marche forcée de la politique de banques centrales pour contrer l'inflation galopante est en train de produire ses premiers effets. Celui-ci devrait s'estomper et même atteindre un plafond prochainement avant d'amorcer une légère détente par la suite, sans doute en 2024. Le taux d'intérêt terminal est attendu dans les prochains mois autour de 3 % pour la BCE et 5 % pour la Fed.
Notre scénario macroéconomique : il y a de la lumière au bout du tunnel
Compte tenu de ce que l'on vient d'évoquer, l'inflation devrait logiquement commencer à se modérer. La grande crainte de ces derniers mois aurait été de voir s'installer une spirale prix-salaires, c'est-à-dire une boucle prolongée dans laquelle l'inflation accélère la hausse des salaires, laquelle renforce encore l'inflation. Il ressort d'une récente analyse du FMI que les risques en la matière semblent maîtrisés. Voir l'inflation divisée par deux ne devrait pas poser de problème, mais la faire converger par la suite vers l'objectif de 2 % pourrait s'avérer être plus difficile. L'année 2023 devrait donc être celle de la désinflation.
Notre scénario de base est celui d'un ralentissement économique qui se prolonge, débouchant éventuellement sur une légère phase de récession non catastrophique, et où l'inflation recule davantage que la croissance. Cela serait de nature à améliorer progressivement le pouvoir d'achat et, en l'absence d'une forte poussée du chômage, à relancer par la suite la consommation et donc l'économie. Outre-Atlantique, le ralentissement se poursuivra jusqu'à éventuellement devenir légèrement négatif. Toutefois, malgré un resserrement des taux d'intérêt déjà bien prononcé, la vigueur des consommateurs et du marché du travail américains n'annoncent pas un large déclin économique.
4. Marché obligataire : le retour du rendement
Le changement de paradigme est fondamental par rapport aux années précédentes où la faiblesse des taux d'intérêt avait largement diminué l'attractivité de cette classe d'actifs. L'onde de choc sur le marché obligataire, provoquée par la remontée des taux d'intérêt, a été violente. Cependant, la forte hausse des rendements associée à celle des spreads (primes de risque) permet de porter un nouveau regard sur les placements obligataires. Bien que des tensions supplémentaires sur les taux d'intérêt restent possibles, nous considérons que les obligations d'entreprises de qualité d'investissement recèlent pas mal de valeur.
En outre, leurs primes de risque reflètent déjà dans une large mesure l'imminence d'une dégradation de l'économie. Ce compartiment abrite les meilleurs ratings relativement immunisés contre le risque de défaut selon les données historiques, et affiche des rendements voisins de 3,5 % à 4 %, ce qui constitue en quelque sorte le maître achat à l'heure actuelle. D'autres catégories, plus spéculatives, de titres à revenus fixes ou de créances sont plus alléchantes encore mais sont potentiellement plus volatiles. De cela découlent des opportunités d'investissement, mais de façon mesurée.
Nos prévisions pour le marché obligataire
Avec la hausse actuelle des taux d'intérêt pratiqués par les banques centrales, les rendements obligataires ont suivi le mouvement et plus encore pour les obligations d'entreprise de bonne qualité que les emprunts d'État. Il est intéressant de réinvestir dans ces obligations, d'autant plus qu'elles bénéficient d'une prime de risque confortable et procurent un rendement entre 3,5 % à 4 % pour la zone euro.
5. Marché des actions : une reprise durable à confirmer dans le temps
Nous adoptons une position neutre pour l'instant, mais nous montrons plus constructifs sur le long terme, et ce, malgré la baisse des cours boursiers depuis le début de l'année. Leur attrait s'est en effet effrité à la fois en raison des alternatives attrayantes de rendement et parce que le ralentissement économique, couplé à une inflation toujours élevée, pèse sur les marges de profit des entreprises tout en rognant les attentes de résultats futurs.
Cela étant, la récession technique qui se profile ne va pas forcément impliquer une récession des bénéfices. Ce serait à coup sûr le cas si un atterrissage brutal de l'économie devait survenir. Il faudra surveiller toute dégradation inquiétante qui irait dans ce sens. Toutefois, selon nous, les risques de récession profonde semblent limités, dans la mesure où les marchés de l'emploi restent solides, que les bilans des consommateurs et des entreprises sont sains et que les banques sont en bien meilleure forme que lors de la crise financière mondiale.
Dès lors, à moins d'une dégradation soudaine et donc inattendue de l'économie, il est possible qu'on ne reteste plus les creux boursiers de fin septembre, d'autant plus que le mur de la peur liée à l'inflation est probablement derrière nous. Cependant, après le récent rebond, les valorisations ont augmenté un peu trop et trop vite. De plus, en l'absence de soutien de la part des bénéfices des entreprises, il est probable que les actions fluctuent sans véritable tendance mais sans flancher pour autant. Nous pensons donc qu'une embellie durable n'aura pas lieu avant un certain temps. Pour cela, il faut davantage de preuves attestant que les hausses de taux des banques centrales touchent à leur fin et que l'économie est en mesure d'éviter une grave récession. C'est ce que les investisseurs vont scruter l'an prochain, mais tout cela dépendra encore d'une variable-clé : l'inflation, ou plutôt la désinflation.
Nos prévisions pour le marché d'actions
Si le creux de la vague est probablement derrière nous, nous pensons qu'une reprise durable des actions ne se fera pas avant un certain temps. Le contexte économique n'est pas encore en voie d'amélioration alors que les valorisations ont fortement rebondi dernièrement. Adoptant une position neutre pour l'instant, nous estimons que les grands indices boursiers européens et américains sont susceptibles de fluctuer entre -5 % et +5 % en 2023.
Conclusion : après une année très déstabilisante, 2023 devrait permettre de revenir à un peu plus d'équilibre.
2022 aura été d'un point de vue économique l'année de la slowflation (contraction entre ralentissement de la croissance et d'inflation élevée en anglais). Si 2023 sera encore caractérisée par une atonie de l'économie et une inflation toujours élevée, avec les apparences de la stagflation, la hausse des prix devrait en réalité s'inscrire sur une pente descendante. Malgré la persistance de nombreuses incertitudes, la perspective prochaine d'un pic des taux d'intérêt des banques centrales devrait apporter plus de sérénité sur les marchés financiers, d'autant plus qu'il y a des opportunités pour l'instant du côté obligataire.