Les investisseurs en actions ont vécu leur meilleur trimestre depuis 5 ans
2024 commence sur les chapeaux de roues pour les bourses. Au cours des trois premiers mois, le marché des actions a progressé de 11 % au niveau mondial (1), soit le meilleur trimestre des cinq dernières années. Il est intéressant de noter que, cette fois, les marchés boursiers européens ont pu suivre le rythme des États-Unis, avec une hausse de 10 % (2).
Les actions américaines font encore mieux sur le long terme : depuis le début de l'année, l'indice américain (S&P500) a aligné pas moins de 21 records historiques. Comment expliquer ce rallye ? Les investisseurs ne font-ils pas preuve d'un peu trop d'optimisme ?
Avant tout, n'oublions pas que la reprise de ce trimestre (et du dernier trimestre de l'année dernière) fait suite à une sévère correction en 2022. À l'époque, les investisseurs s'inquiétaient de la hausse de l'inflation, de l'augmentation des taux d'intérêt et du ralentissement de l'économie. Certains craignaient même une stagflation : une combinaison d'une forte inflation et d'une faible croissance économique. Un véritable scénario catastrophe pour les marchés financiers.
L'inflation est sous contôle
Deux ans plus tard, nous constatons que l'économie s'est beaucoup mieux comportée que prévu. L'inflation a chuté à 2,5 %, tant aux États-Unis (3) que dans la zone euro. Ce chiffre reste certes supérieur à l'objectif de 2 %, mais il est bien meilleur que les 10 % enregistrés il y a un peu plus d'un an. Bien que l'inflation sous-jacente reste légèrement plus élevée et plus persistante, presque tous les indicateurs penchent vers une nouvelle baisse de l'inflation au cours des prochains trimestres.
Les banques centrales changent leur fusil d'épaule
Les banques centrales peuvent être satisfaites de leurs actions. Leur décision de relever fortement les taux directeurs (4 % pour la BCE, et même un peu plus de 5 % pour la Fed) a fait chuter l'inflation. Nous pouvons même à nouveau nous attendre à une baisse des taux directeurs cette année. Les marchés pensent que la Fed et la BCE procéderont à trois baisses de taux de 0,25 % cette année. Pour l'heure, les investisseurs obligataires restent nerveux, car la date de la première intervention est encore incertaine, avant ou après l'été. Quoi qu'il en soit, les taux seront réorientés à la baisse.
Europe et États-Unis : des risques différents
Des deux côtés de l'Atlantique, des risques subsistent même si le scénario économique évolue positivement. En Europe, la croissance économique est au centre des préoccupations. En effet, elle a été sensiblement freinée par les nombreuses hausses de taux dictées par la BCE pour endiguer l'inflation. De fait, les précisions de croissance pour 2024 dans la zone euro (voir graphique ci-dessous) sont constamment revues à la baisse et restent à peine positives, avec une estimation de 0,5 %.
L'industrie européenne est confrontée à des coûts élevés de l'énergie, à l'augmentation des salaires et des charges d'intérêt, ainsi qu'à une transition énergétique difficile (dans certains secteurs). Les taux plus élevés obligent également les gouvernements européens à maîtriser leurs déficités budgétaires. Moins de subventions, plus d'économie et des impôts plus élevés : tout cela aura un impact négatif sur l'économie dans les années à venir. Même si les derniers indicateurs montrent une légère reprise, l'Europe risque de connaître une période prolongée de (très) faible croissance.
Aux États-Unis, la situation est totalement différente. La croissance devrait y dépasser les
2 %, ce qui peut difficilement être considéré comme un ralentissement. La question est de savoir si l'inflation diminuera suffisamment dans ce contexte pour permettre à la Fed de réduire les taux. Le président de la Fed, Jerome Powell, reste toutefois persuadé que l'inflation est sous contrôle et que la prochaine mesure sera une baisse des taux d'intérêt. Pour l'heure, il ne peut - ou ne veut - pas se prononcer sur le timing.
Feu vert pour certaines obligations d'entreprises, prudence pour les actions à court terme
Alors que le cycle de hausse des taux d'intérêt semble être derrière nous, nous restons optimistes quant aux obligations en euros. Et plus particulièrement les obligations d'entreprises ayant une bonne solvabilité (« investment grade »). Le spread, à savoir le différentiel de taux par rapport aux obligations d'État, est presque à sa moyenne historique (voir graphique ci-dessous), ce qui représente une compensation attrayante dans l'environnement de marché actuel.
Toutefois, compte tenu du ralentissement de l'économie, notre stratégie reste sélective et évite les entreprises présentant une cyclicité prononcée ou des ratios d'endettement excessifs. Les obligations high yield, plus risquées, sont devenues historiquement chères après leur bonne performance des derniers mois (voir graphique 3). Nous avons donc réduit ces positions dans nos portefeuilles.
En ce qui concerne les actions, nous sommes optimistes sur le long terme. Pour l'indice S&P, les bénéfices devraient augmenter de 11 % par an au cours des trois prochaines années. Dans la zone euro, les attentes restent plus modestes, avec une croissance des bénéfices de 5 %. La combinaison de taux d'intérêt stables et de bénéfices en hausse soutiendra les marchés boursiers.
À court terme, nous restons toutefois un peu plus prudents : aux États-Unis, les valorisations sont assez élevées - en particulier dans le secteur technologique - et les marchés sont sensibles aux prises de bénéfices de la part des investisseurs. Ces derniers semblent un peu trop optimistes à court terme, notamment en ce qui concerne le potentiel de croissance des applications d'intelligence artificielle.
Les marchés européens sont actuellement valorisés de manière attrayante (légèrement en dessous de leur moyenne historique et moins chers que Wall Street), mais leur potentiel de croissance à long terme est plus faible.
Un climat favorable aux portefeuilles diversifiés
L'environnement actuel du marché reste donc positif pour les investisseurs à long terme, même après les solides performances de ces derniers mois. Historiquement, les périodes où les banques centrales réduisent les taux d'intérêt favorisent les obligations, mais aussi les actions, à condition que l'économie ne tombe pas en récession. Pour l'heure, nous ne prévoyons pas de récession, en tout cas pas pour l'économie mondiale.
Le portefeuille mixte classique, avec une répartition entre obligations et actions, est à nouveau intéressant dans ce contexte. En effet, après les hausses de taux d'intérêt de 2022, les obligations offrent une nouvelle fois une rémunération adéquate pour le risque d'inflation et de crédit. On peut également s'attendre à une stabilisation des taux d'intérêt maintenant que les banques centrales sont arrivées à la fin de leur cycle de hausse des taux. Du côté des obligations, nous préférons le marché en euros. C'est en effet là que le risque d'inflation est le plus faible et la couverture du risque de change des obligations mondiales est encore trop élevé.
Du côté des actions, nous sommes également optimistes à plus long terme en raison de la combinaison de la stabilité des taux d'intérêt et de la croissance régulière des bénéfices. Dans ce cas, la préférence va à un portefeuille diversifié d'actions mondiales plutôt qu'à un portefeuille purement européen. En effet, on achète des actions pour la croissance des bénéfices, et le potentiel de croissance de l'économie américaine et des actions américaines est aujourd'hui plus important.
(1) MSCI World en EUR
(2) MSCI EMU en EUR pour l'Europe, S&P500 en USD pour les États-Unis
(3) Sur base de l'indicateur PCE également suivi par la Fed.